Le fake :
Depuis quelques années on trouve sur le net quantité d’images qui ressemblent à celle ci-dessous. Pour les non-anglophones, le texte dit :
« Ceci est une mine où l’on extrait du lithium pour les batteries de voitures électriques »
« Ceci est un site de sable bitumeux en Alberta »
« dites moi en un peu plus sur la façon dont votre voiture électrique est meilleure pour l’environnement »
C’est vrai que vu comme ça, naïvement, juste en regardant l’image on a tendance à se dire quelque chose comme « ah mais c’est carrément horrible, le lithium c’est une vraie catastrophe, le pétrole à côté c’est super clean. Jamais je n’achèterais une voiture électrique ».
Si vous avez pensé cela, et bien vous venez de vous faire manipuler !!!
Les faits :
Pour commencer à démonter cette manipulation, il convient de dire que la première image de l’illustration (celle de la mine de lithium toute moche) n’est en fait pas du tout une mine de lithium!!! C’est une mine de cuivre, et plus exactement la mine de cuivre de BHP Escondida au Chili.
C’est facile à prouver, il suffit de chercher BHP’s Escondida Mine dans votre moteur de recherche favori puis de comparer les images (essayez Ecosia plutôt que Google, vous aiderez ainsi à planter des arbres à chaque recherche). Pour la petite histoire, il s’agit de l’une des 10 plus grandes mines du monde, ce qui explique que c’est un sacré trou dans la terre…
Petite parenthèse cuivrée : en 2015 on a utilisé environ 19 millions de tonnes de cuivre. Cela induit l’utilisation de millier de tonnes d’explosif, puis de transporter les gros rochers dans des camions géants jusqu’aux broyeurs de roches, puis d’arroser gaiement le roc broyé avec des millions de litre d’acide sulfurique. On laisse ensuite reposer la mixture toxique dans des champs de lixiviation en tas pour enfin en extraire le cuivre.
Maintenant dites-moi, combien de fois quelqu’un est venu vous dire que le cuivre c’est pas bien et qu’il ne faudrait pas l’utiliser? A mon avis ce chiffre est probablement zéro. Fin de la parenthèse cuivre, mais c’est toujours sympa d’avoir des sujets de réflexion en rab’.
On a produit en 2015 environ 35 000 tonnes de lithium. Le lithium se trouve essentiellement sous forme de sels. Ce n’est pas une ressource rare contrairement à ce qui se dit souvent, c’est même le 33 ème élément le plus abondant sur terre. Le soucis c’est que le Lithium réagit facilement avec l’air et l’eau, et on ne le trouve en quantité facilement exploitable que dans quelques endroits. J’imagine qu’un jour on arrivera à extraire le lithium contenu dans l’eau de mer, et là on aura accès à environ 230 milliards de tonnes de cet élément.
Actuellement, plus de 95% du lithium est produit en pompant de la saumure sous la terre et en laissant l’eau s’évaporer dans de grandes cuves, ou directement à l’air dans des marais salants. Le lithium est ensuite séparé de la saumure obtenue par électrolyse.
Cela n’a rien de comparable avec une mine : on ne fait rien exploser, il n’y a pas de gros camions qui circulent dans tout les sens, et pas de déversement d’acide sulfurique.
Les principales sources de lithium sont dans le désert d’Atacama au Chili et la plaine saline d’Uyuni en Bolivie. Ce sont deux des endroits les plus dépourvu de vie sur terre ! Pour la petite histoire, en 2003 une équipe de chercheurs a publié un rapport dans le journal des sciences, dans lequel ils ont reproduit les expériences faites par les missions Viking 1 et 2 sur Mars afin de détecter de la vie. Il n’en on trouvé aucune trace dans le sol d’Acatama, dans la région d’Yunga !
Tout le désert salé n’est pourtant pas complètement dépourvu de vie. A certain endroits on trouve des étendues d’eau ou il y a des crevettes très résistantes au sel, et aussi des flamants roses qui viennent dans ce lieu perdu. Qu’on fait les autorités? Ils ont fait de cet endroit une réserve nationale : la réserve nationale Los Flamingos . C’est très joli et complètement désert. Et on n’y extrait aucun lithium.
Donc voilà, une « mine » de lithium ça ressemble plutôt à ça en réalité :
Si vous êtes en train de lire cet article, c’est probablement que quelqu’un vous a dit un jour que l’extraction du lithium c’est mal, que cela nécessite de creuser des gros trous et de rejeter autour pleins de trucs répugnants quitte a exterminer des troupeaux entier d’animaux indéterminés mais totalement innocents. Un peu comme les mines de cuivres, celles grâce auxquelles on fait des tuyaux, des fils électriques et toute cette électronique qu’on utilise pourtant tous les jours sans s’en inquiéter.
Alors pourquoi nous raconte-t-on des mensonges précisément sur le lithium? Simplement parce que pour certains groupes d’intérêts (quelqu’un à dit pétrolier?), la voiture électrique représente une menace qu’il faut décrédibiliser à tout prix. La méthode pour manipuler l’opinion du public est simple et éprouvée. Il suffit de partir d’une vérité que tout le monde connait (dans notre cas : les batteries des voitures électriques contiennent du lithium) puis d’y apposer un gros mensonge en image pour faire croire aux gens que le pétrole est propre et que les voitures électriques sont sales.
Mais analysons maintenant la seconde image, celle qui vante le pétrole propre provenant de sable bitumeux… Déjà, pourquoi appelle-t-on ça du « sable bitumeux »? Simplement parce que ce qui se trouve dans le sable n’est pas du joli pétrole bien fluide. C’est une matière gluante, épaisse, plutôt compacte et solide. Si on en découpe un morceau, le pétrole ne va pas gentiment en couler. C’est vraiment du sable noir, puant amalgamé.
Mais alors comment obtient-on du pétrole à partir de ce sable? Il y a deux procédés pour extraire du pétrole depuis le sable bitumeux.
Le premier procédé, appelé « extraction in situ » est celui utilisé sur la photo sur la première image. Ça consiste à injecter de la vapeur dans le sable au travers d’une série de puits horizontaux fonctionnant par paires. Une seconde série de puits sont forés un peu plus loin pour récupérer le pétrole libéré par la vapeur. Tout ce qu’il faut c’est brûler à peu près 43 mètres cubes de gaz naturel pour produire assez de vapeur qui servira à extraire un seul baril de pétrole (1 baril = 159 litres de brut environ).
Vu de « dehors » ça peut sembler effectivement très propre. Et pour cause, les dégâts se font à 100 m sous terre !! Par contre cette forme d’extraction du pétrole est très minoritaire (12% environ de la totalité de l’exploitation) car réservée aux gisement profonds ( en dessous de 75 m sous le sol généralement). C’est aussi la forme d’extraction la plus chère, et l’impact réel de l’injection de toute cette vapeur sous terre n’est pas encore vraiment connu.
De plus, les sites d’exploitation ressemblent bien plus à cela qu’a la jolie photo de propagande du début :
Usine d’extraction de pétrole de sables bitumeux Suncor, à proximité de Fort McMurray. (Photo MARK RALSTON/AFP/Getty Images)
Le second procédé d’extraction de sables bitumeux est moins subtil, et consiste tout simplement à une extraction minière quasi classique classique. Je reprend ci-dessous un extrait de la page wikipédia qui contient plein d’autres information intéressantes et que je vous encourage à lire
Puisque les sables bitumineux sont situés sous le sol, il faut tout d’abord raser toute la forêt boréale pour enlever le terreau de surface et le mettre de côté. Par la suite, on creuse le « mort terrain », qui est à une profondeur de 50 mètres environ. Le mort terrain est enlevé, jusqu’à atteinte des sables bitumineux qu’on extrait de mines à ciel ouvert. Tout ce procédé est effectué à l’aide de camions de 365 tonnes et des grues colossales, dont les pelletées font 100 tonnes. Le sable est par la suite transporté aux différentes usines d’extraction du bitume. L’extraction du bitume se fait par le procédé à l’eau chaude, mis au point par Karl Clark en 1929. Ce procédé consiste à placer le sable bitumineux dans d’énormes tambours rotatifs et à le mélanger avec de l’eau chaude et de la vapeur. Le bitume se sépare du sable et se lie aux bulles d’air. Le tout est tamisé et déposé dans des contenants de formes coniques permettant la séparation. Le bitume lié à l’air est récolté sous forme de mousse, contenant 65 % de pétrole, 25 % d’eau et 10 % de solides. Après avoir séparé le tout à l’aide de grosses centrifugeuses, trois couches sont observées. Les grosses particules de sables se déposent au fond, qui sont pompés vers une décharge et utilisés dans la construction des digues. La couche intermédiaire est constituée d’un mélange d’eau, de petites particules de bitumes et quelques minéraux, qu’on appelle mixtes. Cette eau intermédiaire est retirée et pompée afin de les réutiliser dans le processus d’extraction. Enfin, le bitume flotte à la surface, ce qui permet de le récupérer avec un pourcentage de 88 à 95 %.
A noter qu’il faudra encore transformer le sable bitumeux en pétrole exploitable (diluer avec 30% d’hydrocarbure léger, ou procéder à une cokéfaction puis un hydrocraquage) Tout cela bien sur consomme de l’énergie et engendre des déchets.
Pour finir voici quelques photos de ces mines de sable bitumeux. Ce n’est pas très glamour n’est ce pas? Dans l’excellent documentaire du National Geographic « Avant le déluge » (que je vous encourage à regarder si vous ne l’avez pas encore vu) Leonardo Di Caprio compare ces immenses exploitations au territoire du Mordor dans le seigneur des anneaux.
Pour conclure voilà à quoi aurait du ressembler la photo propagande du début.
C’est déjà plus sympathique pour les voitures électriques non?
Et la version anglaise pour nos amis anglophones
Cet article est très très largement issu d’une traduction personnelle d’un article écrit par Mark Sumner que vous trouverez en suivant ce lien. J’ai adapté certains propos et rajouté d’autres informations qui me semblaient pertinentes, en essayant au mieux de rester le plus honnête possible. Toutes les fautes d’orthographes sont de moi :-p
N’hésitez pas à laisser vos impressions ou à me signaler s’il y a des corrections à apporter.